Des sanctions dissuasives sont prévues en cas de requalification. L'employeur fautif sera condamné au minimum à une indemnité d'un mois de salaire, et devra assumer les lourdes conséquences d'un licenciement considéré comme abusif. Il risque en outre une sanction pénale.
La requalification peut coûter cher à l'employeur. Pourtant, c'est souvent un détail dans la rédaction du contrat qui entraîne cette requalification. Aujourd'hui, de nombreux contrats CDD sont signés sans respecter les règles de base du CDD. Un salarié qui commence à s'intéresser à la conformité de son contrat se rendra vite compte si ce dernier est requalifiable. Pour éviter ce risque, rédigez votre contrat CDD en ligne , ça ne coûte que 9,90€.
En cas de contentieux en requalification, c'est à l'employeur qu'il appartient de prouver la réalité des motifs énoncés (Cass. Soc. 15.09.2010, N° 09-40473 ).
1. Versement automatique d'une indemnité de requalification
Une indemnité de requalification de un mois de salaire minimum est décidée d'office dès l'instant où le tribunal fait droit à la demande de requalification du salarié.
Cette indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel du salarié avant la saisine du tribunal (Cass. Soc. 17 juin 2005 n° 03-44900 ), même si le contrat n'a pas duré un mois (Cass. Soc. 7 mars 2012, n° pourvoi: D 10-15.591 ). Les heures supplémentaires éventuellement effectuées sont incluses dans le montant (Cass. Soc., 10.06.2003, N° pourvoi 01-40779 ).
Certains salariés ayant eu des variations de salaire au cours de leur contrat pourraient être défavorisés si le salaire du dernier mois avait été plus faible. Un arrêt de la Cour de cassation a considéré que pour ne pas pénaliser le salarié, la référence est la dernière moyenne de salaire mensuel perçu par le salarié (Cass. Soc. 20 novembre 2013, n°12-25459).
L'assiette de calcul des indemnités est prise au sens le plus large : salaire de base, heures supplémentaires, accessoires de salaire
Un arrêt récent va dans un sens encore plus favorable au salarié. La Cour précise en effet que l'assiette pour le calcul de l'indemnité de requalification doit inclure le salaire de base, les heures supplémentaires et les accessoires de salaire (primes, avantages, y compris en l'occurrence une indemnité d'outillage et de déplacement, etc.). (Cass. Soc., 3 mai 2016, N° 14-29.739)
Article L. 1245-2
(...) "Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée."
De plus, comme l'a rappelé la Cour de Cassation, le droit à cette indemnité "naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales, peu important qu'un contrat à durée indéterminée ait été ultérieurement conclu entre les parties". En l'espèce, un contrat CDI avait été signé à la suite du contrat CDD litigieux, mais la Cour a estimé que le contrat CDI ne "réparait" pas le contrat CDD litigieux (Cass. Soc. 18 mai 2011. N°: 09-68236). Le contrat est réputé à durée déterminée au moment de la conclusion du premier contrat irrégulier (Cass. Soc. 29 novembre 2007, n° 06-44325 ). Ainsi, un contrat CDI conclu ultérieurement avec un salaire inférieur au premier contrat CDD serait de nature à justifier un rappel de salaire au profit du salarié.
Pire, la Cour de Cassation considère que même si l'employeur a transformé de lui-même le contrat CDD litigieux en contrat CDI , le salarié est en droit de demander la requalification de son contrat CDD et donc de bénéficier de l'indemnité de requalification (Cass. Soc. 29 juin 2011, n° 10-12.884).
Cette position de la Haute Cour renforce la nécessité d'une grande vigilance dans la rédaction du contrat de travail à durée déterminée , notamment dans le respect des mentions obligatoires et des règles essentielles des contrats à durée déterminée .
Bien des contrats CDD sont conclus en dépit du respect de ces règles, par ignorance ou par fraude, et il suffit que le salarié soit un peu renseigné ou bien conseillé pour que l'irrégularité du contrat débouche sur une requalification, même des années après !
2. La requalification du CDD peut coûter très cher !
Outre le versement de l'indemnité de requalification, il faut souvent mettre en œuvre une procédure de licenciement
En cas de requalification, le salarié en contrat CDD sera rétroactivement considéré comme lié à l’employeur par un contrat CDI depuis le début, c'est-à-dire depuis le premier contrat CDD litigieux. Le salarié dont le contrat est requalifié peut en principe rester dans l'entreprise, muni de son contrat CDI. Si ce n'est pas le cas, il y a rupture du contrat de travail, qui s'analyse comme un licenciement .
Pas nécessairement sans cause réelle et sérieuse a précisé la Cour de Cassation, dans un arrêt du 20 octobre 2015 (N° de pourvoi: 14-23712)
.
"Attendu que le juge (...) doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse"
. En quelque sorte, il convient de vérifier si les règles classiques d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse peuvent s'appliquer en l'espèce.
Remarque: le salarié n'est de toute façon pas tenu d'accepter la proposition de réintégration qui pourrait lui être faite par la suite (Cass. Soc. N° 08-41037 du 3 juin 2009 ).
# La prime de précarité est due au salarié
L'Indemnité de Fin de Contrat (la prime de précarité) reste acquise au salarié, même si le contrat CDD est requalifié en CDI. C'est de jurisprudence constante, et cela a été confirmé par la Ministre de la Justice dans une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du 5 mars 2013 (question. n° 9599).
Elle ne doit cependant pas être prise en compte pour le calcul de l’indemnité de requalification ni pour celui de l'indemnité de rupture. (Cass. Soc. 13 janv. 2016, N°14-16000 )
# Le juge peut ordonner la réintégration du salarié
Depuis une décision de la Cour d'Appel de Versailles en 2009 la réintégration d'un salarié en CDD suite à la requalification de son contrat est possible.
Il en va ainsi, a décidé la Cour de Cassation, en cas de violation d'une liberté fondamentale. "Le juge des référés peut, même en l’absence de disposition l’y autorisant , ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d’une liberté fondamentale par l’employeur" (Cass. Soc. 6 février 2013, N° de pourvoi: 11-11740 ). En l'occurrence, la rupture illicite du CDD avait eu lieu avant l’échéance du terme, et hors des cas prévus par la loi. Elle faisait suite à l’action en justice pour requalification engagée par le salarié contre son employeur. Il appartient à l'employeur, dit la Cour "d’établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice".
# Le juge peut demander le maintien du salarié au-delà du terme du CDD
Une récente jurisprudence de la cour de Cassation autorise le juge des référés à ordonner le maintien provisoire à son poste du salarié en CDD jusqu'à ce que les juges du fond rendent leur décision .
Les tribunaux des prud'hommes sont engorgés et les juges du fond ne rendent leur décision qu'après des mois. Selon un rapport de la mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice prud’homale, remis au 1er ministre le 19 avril 2017, la durée moyenne des affaires traitées au fond étaient en 2016 de 21,9 mois . Cette lenteur, estime la Haute Cour, peut dans certains cas constituer un préjudice pour le salarié, lequel, s'il gagne, ne pourra plus être maintenu sur son poste. Le juge des référés peut désormais ordonner la poursuite du CDD jusqu'à la décision des juges du fond.
Dans cette affaire, deux salariés avaient demandé la requalification de leur contrat mais la décision ne pourrait pas intervenir avant plusieurs mois, au-delà de la fin de leur CDD. Les juges ont estimé que "faute de pouvoir obtenir une décision du juge du fond dans un délai raisonnable, ils étaient fondés à saisir le juge des référés pour lui demander d'ordonner provisoirement la continuation des contrats de travail", ceci afin de ne pas créer un "dommage de nature à priver d'effectivité le droit pour le salarié de demander la requalification d'un contrat à durée déterminée irrégulier en contrat à durée indéterminée afin d'obtenir la poursuite de la relation contractuelle avec son employeur" (Cass.Soc. 8 mars 2017, N° de pourvoi: 15-18560 ).
# Que se passe-t-il si le salarié continue à travailler en contrat CDI ?
Si le salarié continue à travailler en CDI, l'employeur ne peut pas le licencier immédiatement après la requalification
Attention : rompre le contrat à durée indéterminée (CDI) du salarié immédiatement après la requalification d'un CDD pourrait s’analyser comme une mesure de rétorsion envers lui parce qu'il a demandé la requalification de son contrat. Ceci pourrait constituer une atteinte injustifiée aux droits et libertés du salarié en violation de l’article L. 120-2 du Code du Travail, entraînant la nullité du licenciement et la réintégration du salarié.
# Notification de la requalification après la fin du contrat
Si la requalification est prononcée après la fin du contrat, la procédure de licenciement n'ayant pu être mise en œuvre, le salarié est en droit de demander et d'obtenir :
- l'indemnité de requalification égale au minimum à un mois de salaire
-
une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
.
La Cour de Cassation a jugé que cette indemnité était due même en cas de requalification ("Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui, étant saisie d'une telle demande, répare le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sans allouer au salarié l'indemnité sanctionnant l'inobservation de la procédure de licenciement alors qu'il n'était pas contesté que son contrat avait été rompu sans qu'il ait bénéficié de l'assistance d'un conseiller de son choix." Cass. Soc. 10 juin 2003, n° 01-40808 ) - une indemnité compensatrice de préavis égale au salaire (y compris les congés payés) qu'aurait dû percevoir le salarié s'il avait effectué son préavis de licenciement (Cass. Soc. 14 fév. 2007, n° 04-48338 )
- des indemnités légales et conventionnelles de licenciement si le salarié y a droit (1 an d'ancienneté), conformément à l'article L. 1234-9 du Code du Travail
- un rappel de salaires au cas où la requalification a modifié son ancienneté
-
des éventuels dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
.
Comme expliqué plus haut, le licenciement n'est pas nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
En l'absence d'une procédure spécifique aux licenciements ou d'une lettre de licenciement exposant les motifs de la rupture, il s'agira d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , entraînant le versement de dommages et intérêts en rapport avec le préjudice subi. Pour les entreprises de plus de dix salariés, et si l'ancienneté du salarié est supérieure à deux ans, ce dernier peut prétendre à une indemnité d'au moins six mois de salaire (art. L. 1235-3 du Code du Travail) - si le juge l'estime équitable il peut condamner l'employeur aux dépens au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
# Notification de la requalification avant la fin prévue du contrat
Dès l'instant où la requalification a été notifiée à l'employeur, le contrat CDD est réputé conclu en CDI. Un CDI ne peut être rompu qu'en respectant la procédure prévue par le code du travail. Une rupture de contrat à l'échéance serait donc nulle et sans effet.
3. L'employeur risque en outre une sanction pénale
L'employeur risque en outre les sanctions pénales prévues aux articles L. 1248-1 à L. 1248-11 (amende de 3 750 € et, en cas de récidive, amende de 7 500 € assortie éventuellement d'un emprisonnement de six mois).
4. Prescription de la demande en requalification
L'article L1471-1 prévoit que "toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture."
Pour une action sur une succession de CDD, par exemple, la prescription est de 2 ans.
5. Requalification de plusieurs CDD en un seul CDI
Plusieurs contrats CDD, consécutifs ou pas , peuvent être requalifiés par le juge en un seul contrat CDI, dont le point de départ est le premier contrat CDD irrégulier.
Un principe lourd de conséquences.
Le contrat est réputé à durée indéterminée au moment de la conclusion du premier contrat CDD irrégulier (Cass. Soc. 29 novembre 2007, n° 06-44325 , Cass. Soc. 6 novembre 2013, n°12-15953 ).
CDD non consécutifs requalifiés en un contrat CDI
S'il y a requalification de plusieurs CDD en un seul CDI les salaires sont dus sur toute la période, même si le salarié a touché d'autres revenus dans la période
Si les contrats CDD n'étaient pas directement consécutifs, le salarié est en droit de demander le paiement de son salaire pendant les périodes non-travaillées . La Cour de Cassation considère en effet que l'employeur aurait du fournir un travail et que, ne l'ayant pas fait, il ne peut s'exonérer de payer les salaires.
La jurisprudence évolue
- Un arrêt de 2013 précisait que "par l'effet de la requalification de son contrat à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche au sein de l'entreprise; qu'il est en droit d'obtenir la reconstitution de sa carrière ainsi que la régularisation de sa rémunération" (Cass. soc. 24 avril 2013, N° pourvoi 12-12273 ). Peu importait, en l'occurrence, que le salarié ait pu établir ou non qu'il était resté à la disposition de l'employeur pendant toute la période (Cass.Soc. 19 sept 2013, N° pourvoi: 12-12271)
-
La Haute Cour affirme ensuite une position plus claire sur le sujet: la charge de la preuve revient au salarié et non à l'entreprise. Il doit pouvoir démontrer qu'il devait bien rester à la disposition permanente de l'employeur pendant les périodes entre les contrats à durée déterminée.
"Le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaires au titre de périodes non travaillées de produire des éléments permettant d'établir qu'il se tenait effectivement pendant ces périodes à la disposition de l'employeur" "Le salarié qui est en mesure d'accomplir librement un travail pour d'autres employeurs ne se tient pas à la disposition permanente de l'employeur" (Cass.soc.16 septembre 2015, n°14-16277 ). -
Un arrêt du 3 mai 2016 (Cass. Soc. N° 15-12256
) va dans l'autre sens, en affirmant que "les effets de la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée remontent à la date de la conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier, et qu'il en est ainsi de l'appréciation de l'ancienneté du salarié concerné".
L'entreprise a été condamnée à indemniser le salarié depuis le premier CDD. Or cette période incluait 22 mois pendant lesquels aucune des deux parties n'a pu prouver l'exécution d'une prestation de travail.
Suite de CDD requalifiés : quelques règles
Le fait qu'un contrat CDI ait été conclu ultérieurement avec un salaire inférieur au premier contrat CDD serait de nature à justifier un rappel de salaire au profit du salarié. Il en va de même si le premier contrat CDD, à temps plein, a été suivi d'un contrat CDD à temps partiel.
La Cour de Cassation a estimé que les requalifications de plusieurs contrats CDD en un contrat CDI n’ouvraient droit qu'à une seule indemnité (Cass. Soc. 31 octobre 2007. N° de pourvoi: 06-41660 ).
L'employeur ne peut en aucun cas déduire les éventuels revenus que le salarié aurait touché pendant la période. "Mais attendu que l'employeur étant tenu, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel, au paiement du salaire correspondant à un temps complet, cette obligation contractuelle ne saurait être affectée par les revenus que la salariée aurait pu percevoir par ailleurs ; que le moyen n'est pas fondé". (Cass. Soc. 17 oct. 2012, N° pourvoi: 11-14795 et 11-1498 )
En outre, si le contrat CDI n'est pas conclu directement après le dernier contrat CDD, l'employeur devra également payer l'indemnité de précarité , en application de l'article L. 1243-8 du Code du Travail. Cet article prévoit le versement de cette indemnité dès lors que, "à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée".